domingo, 5 de abril de 2009

français, italien, espagnol...quelle est la langue la plus belle? Lisez ce texte du XVII !

l’Espagnol, à mon avis, ressemble à ces fleuves, dont les eaux sont toûjours grosses &
agitées : qui ne demeurent gueres renfermez dans leur lict ; qui se débordent souvent,
& dont les débordemens font un grand bruit, & un grand fracas. L’Italien est semblable
à ces ruisseaux, qui gazouillent agreablement parmi les cailloux ; qui serpentent dans
des prairies pleines de fleurs ; qui s’enflent neanmoins quelquefois, jusqu’à inonder
toute la campagne. Mais la langue Françoise est comme ces belles rivieres, qui
enrichissent tous les lieux par où elles passent ; qui sans estre ni lentes, ni rapides
roullent majestueusement leurs eaux, & ont un cours toûjours égal […] Ainsi pour ne
parler que de leurs genies, sans rien decider de leur naissance, il me semble que la
langue Espagnole est une orgueilleuse qui le porte haut ; qui se pique de grandeur ; qui
aime le faste, & l’excés en toutes choses. La langue Italienne est une coquette toûjours
parée & toûjours fardée, qui ne cherche qu’à plaire, & qui ne se plaist qu’à la bagatelle.
La langue Françoise est une prude ; mais une prude agreable, qui toute sage & toute
modeste qu’elle est, n’a rien de rude ni de farouche. C’est une fille qui a beaucoup
de traits de sa mere, je veux dire de la langue Latine. […] Pour peu qu’on les examine
toutes deux, on verra qu’elles ont le mesme genie & le mesme goust ; & que rien ne
leur plaist tant qu’un discours noble, & poli, mais pur, simple, naturel, & raisonnable.
(Bouhours, 1671/rééd. 1962 : 44-45).